Exemple de bonnes pratiques d’embauche d’une personne déficiente auditive
Témoignage de M. Raymond LOOS, directeur industriel d’HUSSOR SAS à Lapoutroie (68)
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M. Raymond LOOS, vous êtes le directeur industriel de la société Hussor SAS à Lapoutroie.
Pouvez-vous présenter votre entreprise ?
La société Hussor est une entreprise industrielle qui emploie plus d’une centaine de personnes. Créée dans les années 1960 par M. Husson d’Orbey, elle est située dans la vallée de Kaysersberg. L’entreprise conçoit, fabrique et vend des coffrages métalliques à destination d’entreprises du bâtiment et de travaux publics.
Quels sont les métiers et risques liés à votre activité ?
Nous avons toute une série de métiers industriels, dans le domaine de la soudure, du montage et de la peinture entre autres. La soudure constitue notre cœur de métier. Il existe un certain nombre de risques liés à cette activité : le coup d’arc, le bruit et le port de charge dû à la manutention de pièces lourdes. Des chariots élévateurs circulent également dans les 15 000 m² de l’usine. Il y a donc un risque d’accidents en raison de leurs multiples déplacements.
Quelles démarches avez-vous effectué pour embaucher une personne handicapée ?
Afin de mieux répondre à notre obligation d’emploi de travailleur handicapé, notre établissement a souhaité avoir recours à de la mise à disposition d’une personne issue d’une entreprise adaptée
[1].
La mise à disposition d’une personne issue d’une entreprise adaptée constitue une des modalités de réponse à l’obligation d’emploi de travailleur handicapé et permet à l’établissement de pouvoir s’acquitter de son obligation à hauteur de 50 %.
Dans ce cadre, nous avons rencontré M. Abidin Gurel, une personne déficiente auditive, qui travaillait pour l’entreprise adaptée SAVECO à Saverne. M. Gurel a très rapidement démontré de réelles aptitudes pour la soudure. Il était très motivé, et souhaitait intégrer le milieu ordinaire de travail.
Ayant eu un retour positif de cette expérience de mise à disposition, nous avons décidé de poursuivre vers une embauche. Nous avions déjà des salariés reconnus travailleurs handicapés dans l’établissement, mais nous n’avions encore jamais compté de salarié avec un handicap de type auditif.
Avez-vous rencontré des appréhensions de la part de vos équipes liées à la déficience auditive ?
Effectivement, il y a eu des réticences internes. Bien que l’encadrement ait rapidement adhéré au projet, les représentants du personnel et le CHSCT appréhendaient beaucoup plus les risques liés aux déplacements des chariots élévateurs et le fait que M. Gurel ne les entende pas arriver. Il y a donc eu plusieurs interlocuteurs à convaincre et l’approbation du médecin du travail à obtenir.
Quelles actions avez-vous mis en œuvre ?
L’établissement a été accompagné et soutenu par les dispositifs et les aides de l’Agefiph tout au long de cette démarche d’embauche.
L’Agefiph a comme mission de favoriser l’insertion et le maintien en emploi des personnes handicapées. Dans cette perspective, elle déploie des dispositifs et finance des aides à destination des personnes handicapées et des entreprises.
L’Agefiph anime et finance des partenaires-services sur les champs de l’insertion professionnelle et du recrutement (Cap Emploi), du maintien dans l’emploi (Sameth) et de l’information et de la sensibilisation des entreprises (Alther).
D’autres partenaires, habilités et financés par l’Agefiph, apportent leur expertise, à toutes les étapes du parcours professionnel, sur les principaux types de handicap (moteur, visuel, auditif, intellectuel et psychique). L’URAPEDA est l’expert pour la déficience auditive.
Dans un premier temps, Cap Emploi
[2] nous a accompagnés tout au long de cette démarche et nous a conseillés de faire appel à l’URAPEDA
[3]. Ce prestataire a organisé une sensibilisation auprès du CHSCT et des représentants du personnel de l’établissement. Au-delà de lever les différents préjugés sur le handicap, cette réunion a porté un focus plus particulier sur la déficience auditive. Ont également été évoquées les différentes compensations pouvant être mises en place par les collègues et celles déjà utilisées par le salarié, permettant la tenue de son poste de travail au même titre que tout autre collaborateur.
Ces échanges ont convaincu l’assemblée et il a été compris par tous qu’un travailleur handicapé ne doit pas être stigmatisé et est un salarié comme « M. tout le monde ».
Dans un second temps, toutes les mesures de précautions étant prises, tous les aménagements mis en place, le médecin du travail a validé l’intégration de M. Gurel au regard de ses aptitudes et de ses compétences.
Comment se sont déroulées la formation et l’embauche de M. Gurel ? Avez-vous perçu des aides financières ?
La formation de M. Gurel, adaptée à son handicap, s’est déroulée à l’institut de soudure de Strasbourg et a donné entière satisfaction. A l’issue d’un stage réalisé dans nos locaux, elle a permis à M. Gurel d’être pleinement efficient. Aussi, nous avons décidé de l’embaucher en contrat à durée indéterminée. Nous le comptons dans nos effectifs depuis le 19 août 2013.
Durant toute cette période, nous étions en contact avec Cap Emploi, qui nous a accompagnés dans son intégration. La consultante Cap Emploi s’est chargée de prescrire les aides de l’Agefiph (4000 € pour une embauche en CDI à temps plein), ainsi que de compléter les dossiers de demande de subventions.
M. Gurel a beaucoup progressé dans l’entreprise, et il s’est très bien intégré. Au début de son contrat, il était affecté sur des zones de travail moins fréquentées pour éviter tout accident. Aujourd’hui, il est amené à occuper tout poste de travail de l’atelier. La communication n’a jamais été une barrière, autant avec les encadrants que les collègues de l’atelier. Les précautions données par l’URAPEDA ont été utiles, à savoir, regarder M. Gurel quand nous lui parlons pour qu’il puisse lire sur nos lèvres, mais aussi bien articuler. Nous communiquons beaucoup par écrit également, grâce aux SMS ou à l’aide d’un stylo et d'un carnet.
Quelle est la conclusion de cette embauche ?
Cette embauche est une vraie réussite. Nous renouvelons à ce jour une opération similaire avec Cap Emploi mais cette fois-ci, sur un autre type d’handicap. Nous avons rencontré un profil très intéressant lors de la Semaine pour l’Emploi des Personnes Handicapées organisée tous les ans au mois de novembre. Bien que l’obligation d’emploi de travailleur handicapé soit à l’initiative de cette embauche, elle s’inscrit dans le cadre d’une démarche volontariste en faveur des personnes handicapées. Nous mettons toutefois l’accent sur le fait que nous prêtons une attention toute particulière à la bonne intégration de chaque salarié. Nous souhaitons que la compétence de la personne s’associe à la performance de l’entreprise.
Propos recueillis par Elodie ANDLAUER – Consultante Action & Compétence
[1] Une Entreprise Adaptée (= EA) est une entreprise à part entière mais qui emploie au moins 80% de travailleurs handicapés.
[2] Cap emploi : opérateur conventionné par l’Etat, l’Agefiph, le Fond Public et Pôle emploi intervient en faveur de l’insertion et le placement des personnes handicapées, service géré par l’association Action et Compétence.
[3] L’URAPEDA Lorraine-Alsace œuvre en faveur de l’intégration des personnes sourdes et malentendantes, prestataire intervenant sur le champ de la compensation du handicap sur prescription et financé par l’Agefiph.